Dernier jour 11h36

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Le Monde, Paris, aujourd'hui, 11h30. Le Premier Ministre vient de prononcer la dissolution définitive de la très sulfureuse Association des Clubs Échangistes. L'ACE succombe ainsi à la longue série de poursuites judiciaires dont elle était l'objet. Nul ne se fait grande illusion cependant sur l'efficacité de cette décision administrative. En effet, ni les plaignants, pour la plupart des associations d'obédiences diverses, ni les autorités, ne doutent que les activités des membres de ces clubs vont continuer. De nombreuses plaintes avaient été déposées dans l'espoir de faire cesser les Sex-Raves à grande échelle comme celles que l'ACE a organisées ces derniers mois à un rythme toujours plus soutenu sur tout le territoire français. On note cependant qu'aucune de ces plaintes n'émanait de participants à ces fêtes géantes où des gens de tous horizons viennent danser, boire de l'alcool et faire l'amour pendant une nuit entière. D'après ceux-ci, les SRs ne seraient somme toute que des partouzes bon enfant, bien qu'à très grande échelle. Des rassemblements de gens « comme tout le monde » qui veulent prendre du bon temps avant la fin.

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Ada fit sonner le téléphone de Michael.

— Oui ?

— C'est moi ! J'ai la carte ! Où es-tu ?

— À partir de maintenant, n'utilise plus ton téléphone personnel, vire la batterie. Abandonne la voiture et rappelle-moi sur celui-ci.

Ada sortit du restaurant pour reprendre le cash sous le siège du 4x4. Elle marcha dans la ville sous la pluie battante, aussi vite qu'elle pouvait sans se mettre à courir. Après dix minutes, et trois coins de rue tournés au hasard, elle le rappela.

— Tu as laissé la voiture ?

— Oui.

— Tu vas jusqu'à cette œuvre d'art très abstraite dont tu m'as dit qu'elle te faisait penser à un cheval au galop. Il y a cette rue dont le nom finit par un nombre qui a failli être premier, mais qui est divisible par l'âge qu'avait le chat de ta belle-mère quand il est mort, moins un. Tu me suis ?

— Très bien.

— Au coin où il y a ce magasin qui vend des articles comme celui que tu m'as acheté pour l'un de mes anniversaires, tu tournes du côté du pouce de ta main qui ne sait pas écrire, tu me suis toujours ?

Ada se souvint qu'elle lui avait expliqué un jour l'importance des relations de symétrie en prenant cet exemple : si on ne savait pas que la référence était quand la paume regardait le sol, l'expression « du côté du pouce de ta main gauche » était vide de sens.

— Je te suis très bien.

— Au bout, il y a ce bâtiment. Bon, un jour, dans un autre établissement consacré à une activité similaire, on l'a fait dans les toilettes côté filles. Tu captes ?

Ada sourit, son cerveau avait assemblé le puzzle : la piscine !

— Oui.

— Éteins les deux téléphones. Fais des détours. Passe par un endroit qui a plusieurs sorties, un centre commercial. Navigue au hasard. Change de fringues. Planque tes cheveux. Sort le plus discrètement possible. Vérifie que personne ne te suit. Pointe-toi là-bas. Derrière un buisson au fond du parking, il y a une sente qui fait le tour. Trouve une petite porte métallique grise. Je l'ouvrirai quand tu approcheras.

— J'arrive !